Il y a quelques mois, j’ai remis à plat le « programme » des ateliers d’initiations au maquillage que je propose à des groupes. Pour ce faire, j’ai réfléchi à comment simplifier encore la tâche des personnes qui suivent l’atelier, avec parfois un objectif à la clé pour ces dernières : maquiller pour leur événement, par exemple.
Des participant·es qui ont besoin d’être rapide et efficace sans être professionnel·le, donc.
J'ai donc voulu intégrer des techniques simples à appréhender, pour un rendu maximum. Je me suis tout naturellement tournée vers deux techniques très utilisées en maquillage, et que j’avais pour l’instant laissées de côté dans ma pratique personnelle :
Le pochoir d’une part, et les « split cake » ou « one-stroke » d’autre part (il s’agit de bloc de fards à eau regroupant plusieurs couleurs et permettant de faire très facilement des dégradés).
Me rappelant soudainement l’existence de ces techniques, je me suis dit : « mais oui, c’est parfait, tout à fait ce que je cherchais ! ».
Et puis, je me suis posé une question, toute simple, toute bête au départ. Depuis elle s’est développée et complexifiée, et m’a permis de faire évoluer ma pratique. Ouf. J’avais donc envie de la partager avec vous.
Ma question était la suivante : pourquoi, en pensant à ces ateliers d’initiation, ais-je tout de suite accepté ces techniques comme telles, alors que précédemment je les considérait comme un
moyen de « tricher » dans ma propre pratique ?
En gros, lorsque je voyais des photos de maquillages pour lesquels les artistes avaient utilisé ces techniques, je me disais « ah oui c’est super joli, mais c’est de la triche ! ».
En premier lieu, bien sur, me poser cette question m’a permis de me rendre compte qu’il s’agissait d’ego mal placé (mais lui arrive t’il de bien se placer ??). Et l’ego, dans la vie comme
dans les pratiques artistiques, c’est vraiment la plaie.
Un peu comme si inconsciemment, je me disais « moi je travaille sans ça, je ne « triche » pas, donc mon travail à plus de valeur, même si le résultat n’est pas aussi réussi que si je
travaillais avec ». Nuuuuuuul. J'avoue tout ! Comme une sorte de moyen de me rassurer. J'ai un peu honte aussi d'avoir eu les chevilles qui gonflent alors que je sais que mon niveau est ce
qu'il est. Mais bon ... j'apprends sur moi tout les jours, et -j'espère- je m'améliore aussi un peu.
On peut dire aussi que ça m’a sûrement inconsciemment servi d’excuse : « ce que je fais n’est pas à la hauteur de ce que d’autres font, mais c’est parce que les autres « trichent », et moi non ». Haha. Non, bien sur. Ce que je fais n’est pas à la hauteur de ce que d’autre font parce que je n’ai pas encore suffisamment d’expérience pour y arriver, seule et unique cause du problème ;) .
Bullshit et bullshit, donc. Me poser cette question m’a donc déjà au minimum permis de me débarrasser de ce morceau d’ego, et de cette excuse bidon. Une bonne chose, donc.
Et bien sur, en cassant cette barrière, j’ai fabriqué sans attendre quelques « split cakes » et commencé à fabriquer des pochoirs, pour pouvoir commencer à explorer ces techniques.
Oui, parce que maintenant, je dis « techniques » !!! Vous voyez que je progresse !
Et puis, parce que j’aime bien comprendre pourquoi j’en arrive à réfléchir d’une façon ou d’une autre, sans même m’en être aperçue, j’ai laissé la réflexion faire son chemin ...
Quelle est la limite entre « triche » et technique ? La même technique peut elle être considérée de l’une ou l’autre façon selon le contexte ? La limite se définie t’elle en fonction d’un
point de vue politique ? En fonction de son utilisation ou de son utilisateurice ? Par exemple, est ce qu’on parle plus facilement de technique quand il s’agit d’art « pour l’art », et de
triche quand il s’agit d’art à visée commerciale ?
Est ce que la difficulté de mise en œuvre de la technique pousse vers l’une ou l’autre dénomination ? Est ce que si c’est facile, c’est de la triche ? Est ce que si le résultat nous plaît ça
devient une technique ?
Par exemple, la retouche photo, est ce de la triche, ou une technique ? De la triche quand il s’agit de corriger un grain de peau ou le poids d’un modèle pour une affiche de pub ? Une
technique quand il s’agit de passer de la couleur au noir et blanc pour un·e photographe hors circuit commercial ?
Les pédales d’effets, en musique ... de la triche ? Une technique ?
Et le pochoir ... de la triche quand il est acheté tout fait et utilisé par un·e "profane" ? Une technique quand il est utilisé par des artistes qui le mènent à son apogée comme certain·es
graffeureuses en sont capables ?
Et les tampons ? De la triche pour un·e enfant de 5 ans ? Une technique pour un·e artiste qui fabrique ses propres tampon et les mets en scène dans ses œuvres ?
Et la peinture monochrome ... de la triche pour un·e étudiant·e aux beaux arts, mais une technique pour tel·le artiste reconnu·e d’art contemporain ?
Et les effets spéciaux dans le cinéma ? De la triche dans les films de super héro·ïnes à gros budget, mais une technique quand c’est de la pâte à modeler dans un film d'auteurice ?
Cette question peut se décliner à l’infini, c’est vrai. Je ne suis par sûre qu’il soit vraiment intéressant d’y trouver une réponse.
Par contre, il me semble intéressant d’avoir la question à l’esprit. Pour se défaire de son ego. Pour questionner son jugement face à une œuvre. Pour continuer à contextualiser les œuvres, parce qu’elles n’ont pas le même sens en fonction du contexte dans lequel elles ont été créées.
Pour un millier d’autres raisons, probablement ...
Et vous, qu'en pensez vous ?
Image : Atelier Kodama
Texte : Kapik
Association Kraken'roll
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